Saison 1978

C'était sur son mulet bleu et jaune du Monte Carlo (TO P43573) que Jean-Claude Andruet participait à la ronde de Serre Chevalier. Une auto moins puissante (environ 200 CV) et réglée pour l'asphalte, qui devait faire face aux berlinettes de Saby et Espinasse, à la 104 ZS de Lefebvre et à l'Autobianchi A 112 de Darniche, beaucoup plus agiles sur ce terrain. Malgré un handicap de motricité, Jean-Claude parvenait à hisser sa 131 à la huitième place, au prix d'efforts spectaculaires qui faisaient, une fois de plus, la joie du public.

Satisfaits des résultats de la saison passée, Fiat France décidait d'aligner deux voitures pour la saison 1978. Jean-Claude Andruet était reconduit pour un programme de championnat de France, et Michèle Mouton était préférée à Francis Vincent pour le championnat d'Europe.
Deux voitures étaient donc engagées le 21 janvier, pour Michèle Mouton et Jean-Claude Andruet (TO R19729) au rallye de Monte Carlo. Retrouvant Biche (enfin débarrassée de sa minerve), Jean Claude avait bien préparé l'épreuve Monégasque. Quatrième après le parcours de classement, face à une concurrence très relevée, il connaissait une multitude de petits problèmes qui le retardaient. Il achevait le parcours commun à la neuvième place. Malgré quelques belles performances (second dans Pont des Molians et Col du Fanget, troisième dans Peira Cava et Jabron), il terminait le rallye à la huitième place, derrière Nicolas, vainqueur sur une Porsche Alméras, Ragnotti et Fréquelin, sur les surprenantes petites R5 groupe 2, Darniche et Rohrl, tous deux sur Fiat 131, Kullang (Opel Kadett) et Bachelli sur une Stratos.

Face aux Stratos de Darniche et Serpaggi, les Fiat de Mouton et Andruet (TO P09981) n'étaient pas favorites le 25 février à la ronde de la Giraglia. Et d'entrée, cela se confirmait, puisqu'avec ses 275 CV pour moins de 950 kgs, la Lancia Chardonnet dominait la course, malgré quelques problèmes de motricité. Bien que résigné, Jean-Claude ne s'avouait pas vaincu, et remportait la spéciale d'Orches dans les quatrième et cinquième passages. C'est alors que coup sur coup Darniche et Serpaggi abandonnaient à la fin de la première étape. Andruet et Biche se constituaient une avance confortable et remportaient cette première épreuve du championnat de France.

Au rallye Lyon Charbonnières les 4 et 5 mars, si Andruet-Biche disposaient de la même Fiat 131 (TO P09981), Darniche récupérait sa Stratos du Monte Carlo. Malgré ses efforts, Andruet ne parvenait pas à combler au pilotage l'écart qui séparait sa Fiat de la Lancia. Après un changement de boite éclair en fin de première étape, Jean-Claude repartait à l'attaque dans le seconde. Dans le brouillard, il sortait de la route et finissait sur trois roues, signant quand même le cinquième temps de l'épreuve spéciale ! Mais les dégâts étaient trop importants et l'abandon inéluctable.

La troisième manche du duel Andruet-Darniche, avait lieu les premier et deux avril au rallye Jean Behra. Si Darniche retrouvait sa Stratos de la Giraglia, Andruet et Biche disposaient, eux, d'une 131 neuve (TO P51474), équipée du carter sec et un peu plus légère. Mais avec 235 CV, la Fiat en rendait encore une quarantaine à la Lancia, soit environ deux secondes au kilomètre. Malgré cet avantage, Darniche devait attaquer en permanence, Andruet ne relâchant pas son effort. Avec cinq victoires de spéciales contre treize au pilote de la Stratos, Jean-Claude s'inclinait pour deux minutes et cinquante trois secondes. Le troisième, Bernard Béguin était relégué à presqu'un quart d'heure ! A noter, l'étonnante performance de Jean-Louis Clarr qui amenait son Opel Kadett groupe 1 à une brillante cinquième place.

Sur le très rapide parcours du critérium de Touraine, les 8 et 9 avril, la Stratos avait encore l'avantage. Et la situation d'Andruet et Biche se compliquait avec les Porsche de Béguin, Vincent, Ségolen, Rouget ou Malbran. Derrière la Lancia, intouchable, Andruet se battait comme un beau diable, et comptabilisait les tête-à-queues et les touchettes, qui laissaient quelques traces sur la carrosserie de sa Fiat (TO P51474). Sur ce terrain si peu favorable, il parvenait toutefois à limiter la casse (hormis une crémaillère de direction) et se classait quatrième.

L'absence à la ronde Limousine, le 23 mai, de la Lancia Chardonnet laissait un peu d'espoir à Andruet-Biche, malgré la présence des Porsche de Béguin, Rouget et Malbran. De nouveaux pneus Pirelli plus performants et un petit surplus de puissance, n'empêchait pas la Fiat 131 (TO P51474) d'être distancée par les Porsche de Béguin et Malbran dans le tour d'essai. Si Andruet signait le meilleur temps de la première boucle, alors que Rouget abandonnait, Béguin reprenait l'avantage dans les second et troisième passages, devant Malbran, ce dernier s'imposant dans le quatrième devant Béguin et Andruet. Une double crevaison contraignait Béguin à l'abandon dans la cinquième boucle que remportait Jean-Claude, après avoir fait remettre d'anciens Pirelli. Il signait encore le meilleur temps de la dernière épreuve, et s'imposait définitivement. Cette victoire lui permettait de reprendre la tête du championnat de France.

Nouveau duel Andruet-Darniche au critérium Alpin du 5 au 7 mai, mais arbitré par un quarté de Porsche (Béguin, Lunel, Vincent et Swaton) et la Ford Escort de JP. Nicolas. Malgré la pluie, Darniche s'installait en tête, devant Andruet. Au fil des spéciales, l'écart entre les deux pilotes grandissait, tandis que Béguin abandonnait dans la huitième ES alors qu'il se battait avec Nicolas pour la troisième place. Victimes de plusieurs coupures d'allumage, qui faillirent leur coûter une pénalité, Andruet-Biche étaient contraints à l'abandon à cause d'un moyeu de roue.

Du 19 au 21 mai, au rallye de Lorraine, Béguin forfait, les "Porschistes" de service, pour arbitrer le cinquième match Andruet-Darniche de la saison, s'appelaient Hazard et Bos, sans oublier l'autre Fiat de Michèle Mouton. Les deux 131 rentraient de révision à l'usine, de même que la Stratos. Sur des routes détrempées et sales, Andruet et Biche parvenaient à limiter l'écart derrière Darniche, quand un mauvais choix de pneus dans la cinquième ES leur faisaient perdre plus de vingt secondes d'un coup. Sur les routes glissantes, Andruet entamait un festival comme lui seul en a le secret, et rentrait en tête pour quinze petites secondes à la fin de la première étape. Mais au départ de la seconde, la pluie avait cessé, les routes avaient séché et la Stratos reprenait un avantage significatif qu'elle conservait jusqu'à l'arrivée, devant la Fiat d'Andruet, qui coupait intempestivement. Michèle Mouton se classait troisième.

Pour la ronde Cévenole les 3 et 4 juin, les Fiat d'Andruet et Mouton avaient été allégées au maximum: dépose du siège du co-pilote, du matériel de navigation... Toutefois, le gain obtenu risquait de ne pas suffire pour affronter, une fois de plus, la Stratos, et quelques Porsche dont les plus puissantes de Jacques Alméras (préparation maison: 300 CV) et de Francis Vincent (Haberthur, 290 CV), sans oublier Béguin. C'est Darniche qui signait le meilleur temps du premier passage, devant Andruet, alors qu'Alméras était retardé par une boite de vitesses bloquée. Après réparation, il remportait les deux, trois, quatre et sixièmes boucles, établissant au passage le record 1978 en 25 minutes et 2 dixièmes. Mais cela ne lui suffisait pas pour s'imposer: si Andruet réalisait l'exploit de remporter le cinquième passage, en 25' 13" 2, au plus grand bonheur des spectateurs, c'est Darniche, le plus régulier, qui s'imposait dans les deux dernières boucles, remportant l'épreuve devant Andruet et Alméras.

24 heures du Mans 10-11 juin

Très fatigué après les 24 heures du Mans, Andruet n'avait pas pu reconnaître le rallye d'Antibes, une semaine plus tard, et préférait déclarer forfait, renonçant au championnat de France des rallies.

Aux 24 heures de Spa, les 22 et 23 juillet, Jean-Claude Andruet retrouvait Hugues De Fierlandt, manager du team BMW Belgium. Associé à A. Vanierschot, sur une BMW 530i, loin d'être aussi compétitive que l'an passé, il ne partait que de la quatorzième ligne (vingt septième temps), sur une voiture qu'il qualifiait lui-même d' inconduisible ! Peu avant minuit, Vanierschot sortait de la piste et abandonnait.

Même si Andruet était considéré comme le seul rival sérieux de Darniche au Tour Auto, du 16 au 21 septembre, il fallait compter avec Béguin (Porsche Alméras), Hazard (Porsche également), Mouton (Fiat 131) et Nicolas (Ford Escort). Toujours avec Biche, sur une Fiat 131 dont les rapports, trop courts, avaient été changés juste avant le départ, peu en forme à la suite d'une violente sortie de route en reconnaissances du... San Remo, il partait en glisse sur des graviers, sortait de la route et tapait un arbre dès la quatrième ES.

Ces 4 et 5 novembre, deux pilotes voulaient plus que tout remporter le Tour de Corse: avec trois victoires chacun, le vainqueur détiendrait seul le record. Andruet, bien sûr, mais aussi Darniche, lui aussi sur une Fiat 131 (engagée par l'usine). Les outsiders étaient Munari et Mouton (Fiat 131), Alméras, Vincent et Swaton (Porsche), Pond et Thérier (Triumph TR7), Bettega, Vudafieri et Serpaggi (Stratos). Munari tirait le premier en s'imposant dans les deux premières spéciales. Mais dès la troisième, tronçon non-stop de Saint Sauveur, Andruet s'imposait, malgré une crevaison lente, prenant du même coup le commandement du rallye. Darniche et Munari connaissaient des problèmes avec leurs pneus, usés jusqu'à la corde. A l'assistance, tandis qu'on montait des slicks sur les voitures de l'usine, on installait des mixtes sur la voiture de Jean-Claude. Prévenu par Michèle Mouton, il allait se renseigner auprès de Giorgio Pianta, le responsable... En rupture de slicks, on lui avait mis des mixtes, mais juste pour le secteur de liaison. IL aurait des gommes lisses avant le départ de la spéciale suivante.
Serpaggi, Vudafieri, Pond et Vincent n'étaient déjà plus là. Dans la quatrième ES, Andruet et Darniche faisaient jeu égal, devant Munari. Dans l'étape non-stop Moca-Abbazia de 99 kilomètres, Jean-Claude s'imposait encore, avec une minute dix neuf d'avance sur Darniche, qu'il avait rattrapé et doublé, et encore 7 secondes dans l'avant dernière spéciale. Avant l'arrivée de la première étape à Ajaccio, Darniche reprenait deux seconde à Andruet, mais comptait deux minutes et une seconde de retard sur le leader. Munari troisième, était à plus de cinq minutes !
L'assistance Fiat s'était installée dans la concession. Andruet se plaignait d'un problème de boite ou d'embrayage. Et pourtant, seules les voitures de Darniche et de Munari furent montées sur le pont.
Le lendemain matin, Munari s'imposait dans la première ES, reprenant onze secondes à Darniche et dix sept à Andruet. Ce dernier rétablissait la hiérarchie dans les 98 kilomètres du secteur non-stop de Saint Antoine, seize secondes devant Darniche, malgré un arrêt pour refermer son capot mal fixé, qui s'était ouvert. Incident qui lui coûtait une trentaine de secondes ! A nouveau, à l'assistance, il s'inquiétait d'un bruit dans la transmission ou la boite. Les mécaniciens diagnostiquaient un embrayage hors service, nécessitant son remplacement. L'opération prenait plus de temps que prévu et, lorsque Jean-Claude et Biche repartaient, leurs deux minutes d'avance s'étaient transformées en trois minutes quarante cinq de retard. Mais Andruet n'était pas vaincu. Déchaîné, dans les 88 kilomètres de Ponte Nuovo, il attaquait comme un fou. A mi-spéciale, il avait déjà dépassé Bettega et rattrapé Munari. Il savait qu'il allait rejoindre Darniche, quand une crevaison mettait un terme à tous ses efforts. Il finissait ce Tour de Corse à la quatrième place.
Certes, c'est une Fiat Italienne qui a gagné, mais sans gloire, et depuis cette année-là, le ROI de CORSE s'appelle JEAN-CLAUDE ANDRUET.

La victoire d'Andruet sabotée ?
Audetto, Silecchia n'ont rien fait pour empêcher Andruet de perdre la victoire qu'il méritait tant. Jean Vinatier n'a rien fait non plus. En agissant ainsi, ou plutôt en n'agissant pas, ils n'ont même pas défendu les intérêts de leur firme: commercialement, la victoire d'Andruet, que tout le monde attendait, aurait eu bien plus d'impact que ce faux succès manigancé par des gens qui n'aiment probablement pas beaucoup Andruet: quand on a un caractère entier, quand on dit ce qu'on pense et qu'on ne fait pas de concessions, quand on est trop honnête, quand on dit la vérité, on se fait des ennemis...

Pierre Pagani
Echappement n°122, décembre 1978, page 106


Dernière épreuve de la saison, du premier au trois décembre, le rallye du Var n'offrait qu'un plateau réduit... Vincent, sur une Porsche, Mouton sur la Fiat 131... Jean-Claude Andruet, démoralisé, avait préféré rentrer chez lui après les reconnaissances, écœuré par l'affaire du Tour de Corse.